Texte La Simplicité

La Liberté d'Être Soi

La Simplicité

En observant l’homme dans sa vie active, à travers la technologie, son pouvoir d’achat, ses besoins réels et superflus, son système économique, sa façon d’interagir avec ses congénères, il semblerait que nous nous éloignons de la simplicité. Rester simple ne l’est plus. Une simple conversation sur le choix d’un restaurant peut prendre des heures, des échanges de SMS, de conversation de groupe, d’avis, de suppositions, de jugement, du silence de celui qui s’en fou ou presque. Tout le monde a des choses à dire et veut être entendu. Le temps se perd dans des conversations qui remplissent le silence. Et au final, personne ne sait où manger, tout le monde va commander une pizza.

Aurions-nous oublié la simplicité du moment présent, sans penser : « Je suis dans le moment présent, je regarde le ciel, je ressens le vent, j’écoute les oiseaux… » prôné par les méditations guidées. Le mental est embué même dans la simplicité. Il a besoin de revenir à des bases de spontanéité, il a besoin de penser pour être spontané… Mais que se passe-t-il ?

Heureux ceux qui ont l’esprit simple et innocent. Et si la simplicité de l’être était la première source de spiritualité, donc de la vie ? Et si revenir à notre état d’être, dénué des masques de la vie, nous apportait la joie, le sourire, la beauté ?

La simplicité n’est pas à la mode, elle n’intéresse pas le système capitaliste qui, à travers la publicité directe ou indirecte, prône le changement constant. La consommation vit de notre instabilité et la génère. La mode est partout, dans la coupe des cheveux, les voitures, la technologie, la largeur des bas de pantalon, les séries, la musique… Nous changeons de travail du jour au lendemain, prenons l’avion pour un week-end, restons des heures dans un embouteillage pour acheter une veste. L’absurde remplit nos jours et nous éloigne toujours plus de notre être, de notre simplicité et de notre authenticité.

Ne rien faire s’apparente à être « feignant », « hors circuit », ou mis dans la case « zen » et « écolo »… Nous sommes remplis de clichés que nous véhiculons tous, collons des étiquettes à des êtres que nous connaissons à peine. Un ressenti, une image, une parole et nous voilà à cataloguer des êtres, à prôner le bien et le mal, à faire des choix qui n’en sont pas. Nous sommes hypnotisés par un système qui pense à notre place et croyons encore être libres.

La simplicité n’est pas donnée à tous, les enfants la perdent de plus en plus tôt. Elle passe inaperçue, trop discrète, sans artifice, sans bruit. Présente, attentive, souriante, la simplicité est pourtant là à chaque instant. Nous l’oublions ou, au contraire, nous lui racontons une histoire incroyable pour nous faire exister. Un geste simple se transforme en conte de fée illusoire, en crise d’hystérie, en bagarre, en insulte…

Regardons ensemble cette simplicité qui s’invite et se propose, mais que nous évitons de peur de passer pour un ringard, de croire que notre vie est inintéressante. La technologie nous donne une contenance et nous éloigne de nous-mêmes un peu plus chaque jour. Les conversations se font via quelques mots en phonétique sans nous connaître et sans prendre le temps de se découvrir.

Où est passé notre esprit simple de celui qui ne réfléchit pas à son acte, qui ne l’analyse pas, qui est juste présent et qui aime ?

La spiritualité se découvre souvent dans les livres, dans des vidéos, à travers des conférences, mais elle se confond souvent avec la théologie ou l’illusion de l’esprit, c’est-à-dire des dons.

La spiritualité est si simple que nous ne la voyons pas. Aimer l’autre et lui donner son parapluie parce qu’il pleut, lui prendre la main pour traverser, allumer la cage d’escalier en entendant le voisin rentrer… Peut-être que pour certains, ce n’est pas spirituel, car c’est si simple. Mais alors la spiritualité serait compliquée ? Avons-nous besoin de diplôme ? D’une formation ? Ou simplement d’ouvrir son cœur à la vie ? De faire les choses du quotidien sans réfléchir à l’histoire que l’on voudrait raconter après. Sans attendre de prendre une photo, d’une appréciation, d’une valorisation, d’un compliment, d’un besoin d’être vu ?

Serait-il possible que de prêter ses bras pour un déménagement parce que c’est important pour l’autre, que nous n’avons aucun intérêt à part son bien-être, s’apparente à de la spiritualité ? Donner du temps, partager son déjeuner, repeindre un appartement avec un ami est un acte naturel de bonté et tellement simple. Chacun sera à même de trouver ses intentions conscientes et inconscientes dans ses actes altruistes. Nous nous racontons souvent des histoires sur nous-mêmes.

La spiritualité, c’est avant tout aimer, s’aimer avec ses blessures, ses victoires, ses erreurs. C’est se pardonner et pardonner l’autre en profondeur. C’est rire de son parcours avec respect pour tous les acteurs. C’est prendre ce temps pour remercier la vie, ses coups, ses enfants, ses expériences en s’asseyant le nez au soleil sur une pierre.

La prière est simple, pas besoin de connaitre les langues anciennes pour prier, mais quelques mots tournés vers l’autre, pour demander le meilleur et se recueillir dans le silence. La simplicité est partout, et pourtant nous souhaitons tellement la compliquer et nous mettre en scène pour exister.

Nous avons perdu ce sens et nous encourageons nos enfants à faire de même. Quel est ce formatage ? Où est notre responsabilité ? Comment pouvons-nous revenir à cette simplicité dans notre vie ? Chacun trouvera ce qui l’éloigne de lui-même, de ces bruits incessants, de ces notifications qui nous maintiennent en état d’alerte permanente, de ces choix de vie ?

Avant de parler de spiritualité et de se dire « spirituel », revenons déjà à cette simplicité et spontanéité du cœur qui ne demandent qu’un peu de temps, d’attention et de présence.

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